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Page:Aimard - Les Bohèmes de la mer, 1891.djvu/110

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et 70° 45’-76° 53’de longitude ouest ; elle a six cent soixante kilomètres de long sur une largeur moyenne de cent vingt environ, quatorze cents kilomètres de tour sans compter les anses et seize cents kilomètres carrés ; elle est donc, après Cuba, l’île la plus grande de toutes les Antilles.

Les montagnes qui couvrent le centre de l’île, après s’être partagées en trois chaînes principales, courent dans toutes les directions, peuvent la plupart être cultivées jusqu’à leur sommet et sont couvertes d’une végétation luxuriante ; des rivières nombreuses descendent de ces montagnes, malheureusement ces rivières ne sont pas navigables ; quelques-unes seulement, pendant un court trajet, peuvent être remontées par des embarcations légères.

Trois beaux lacs, dont un n’a pas moins de quatre-vingt-dix kilomètres de tour, complètent le système hydraulique de ce pays si magnifiquement fertile, où croissent naturellement les palmiers, les bananiers, les mimosas de toute espèce et en général toute la flore des régions intertropicales.

Lorsque les Espagnols débarquèrent pour la première fois dans cette île, le pays était fort peuplé et partagé en cinq tribus indépendantes l’une de l’autre, et gouvernées paternellement par des chefs dont l’autorité sur leurs sujets était illimitée.

Les Espagnols, poussés par une insatiable avarice et un fanatisme odieux, procédèrent dans ce pays comme dans toutes leurs autres colonies du Nouveau-Monde, par le meurtre et la tyrannie, et organisèrent l’esclavage et les supplices ; ils agirent avec une telle barbarie que de toute la population indigène, il ne restait plus en 1542, ainsi que le constate Las Casas, que deux cents individus errants sur le territoire entier de l’île.

Aussi le gouvernement espagnol se vit-il contraint d’accorder une licence d’introduction à Saint-Domingue de quatre mille esclaves noirs de Guinée.

La race caraïbe avait complètement disparu. Cependant les commencements de la colonisation espagnole avaient été des plus heureux. Charmés par la beauté du climat et cessant de songer à l’exploitation des mines, des colons intelligents étaient accourus en foule dans le but de cultiver cette terre féconde, et de créer des richesses réelles à la place des richesses fabuleuses qu’on avait si longtemps rêvées.

Des plantations furent établies et d’abondantes récoltes de cacao, de coton, de gingembre, d’indigo, de tabac et de sucre encouragèrent les spéculateurs.

L’élève du bétail offrait aussi des ressources excessivement lucratives ; en effet les bestiaux s’étaient tellement multipliés dans cet heureux climat, que quarante ans à peine après l’introduction des premières vaches, on chargeait des navires entiers de cuirs et l’on faisait des charges de cinq et six cents bêtes à cornes.

Malheureusement l’extermination complète des indigènes mit fin sans retour à cette prospérité. Lorsqu’il fallut les remplacer par des nègres, les planteurs ne se soucièrent pas d’avoir des travailleurs qu’il fallait acheter et tout commença à dépérir.

Le gouvernement espagnol, peu soucieux de venir efficacement en aide