de la rade qu’il devait commander. Mais comme cette position était elle-même dominée par une roche d’une vingtaine de mètres de hauteur, et dont la plate-forme contenait un espace de vingt-cinq mètres carrés environ, le gouverneur choisit cette plate-forme pour y bâtir son habitation : on arrivait à cette habitation par une quinzaine de marches, taillées dans le roc, et en sus une échelle de fer que l’on retirait après soi.
Cette plate-forme fut armée de quatre pièces de canon, et on ajouta encore à la défense une muraille d’enceinte, capable de résister à tout assaut, car les environs de cette position, si heureusement choisie, étaient entourés de précipices, de bois de haute futaie et de halliers inextricables qui la rendaient inaccessible.
Un sentier, à peine assez large pour trois hommes de front, était le seul abord de cette redoute, qui reçut le nom de fort de la Boche.
À peine ces fortifications étaient-elles terminées, que les Espagnols arrivaient au nombre de huit cents pour les détruire ; foudroyés par l’artillerie du fort, ils tentèrent un débarquement deux lieues plus bas, à un endroit nommé la Cayonne, mais après avoir perdu deux cents hommes, ils furent contraints de se retirer. Cette victoire enhardit non seulement les aventuriers, mais tourna tellement la tête à leur gouverneur, que celui-ci, oubliant qu’il n’était que le lieutenant de M. de Poincy, voulut se rendre indépendant, si bien que ses administrés, accoutumés à une liberté sans bornes comme sans contrôle, fatigués de sa tyrannie, finirent par l’assassiner.
Sur ces entrefaites le chevalier de Fontenay, expédié de Saint-Christophe par M. de Poincy, débarqua à la Tortue avec cinq cents hommes, rétablit l’ordre et prit en main le gouvernement de l’île.
Mais le chevalier de Fontenay était avant tout un aventurier ; le premier usage qu’il fit de son autorité, fut d’encourager les expéditions flibustières, de telle sorte que l’île se trouvait souvent presque complètement dégarnie de défenseurs.
Les Espagnols, instruits par leurs espions de cette particularité, résolurent de s’emparer, à quelque prix que ce fût, de ce repaire redoutable de pirates ; en conséquence, ils armèrent une escadre et parurent à l’improviste devant l’île en ce moment presque déserte.
M. de Fontenay et les quelques aventuriers dont il pouvait disposer se défendirent héroïquement : mais accablés par le nombre, manquant de vivres et de munitions, ils furent enfin contraints de se rendre.
Le général espagnol laissa une garnison de soixante hommes dans l’île, sous le commandement de don Fernando d’Avila, officier brave et expérimenté, et retourna à Saint-Domingue. Voici de quels étranges événements cet îlot perdu avait été le théâtre en quelques années à peine, lorsque M. d’Ogeron, à son retour de France, résolut de l’enlever définitivement à l’Espagne pour en faire, non ce qu’il avait été primitivement, le quartier général des flibustiers, mais la tête de la colonie qu’il prétendait fonder à Saint-Domingue même.
Les Espagnols attachaient un grand prix à la possession de l’île de la