Don Gusman tomba à genou auprès de sa femme ; alors il aperçut un papier quelle tenait convulsivement serré dans sa main droite.
Le malheureux ne réussit qu’avec les plus grandes difficultés à s’emparer de ce papier sur lequel quelques mots étaient écrits.
Don Gusman, après y avoir jeté les yeux, se laissa aller sur le sol en poussant un cri déchirant de désespoir.
Voici ce que contenait ce papier :
« Frère, tu m’as enlevé la femme que j’aimais ; moi, je te prends ton fils : nous sommes quittes.
Après la lecture de ce billet le doute n’était pas possible : don Leoncio était bien réellement l’auteur de ce rapt odieux ; tandis que son frère venait en toute confiance au-devant de lui, celui-ci, avec un raffinement inouï de perversité, afin de savourer sa vengeance dans toute son étendue, méditait cette hideuse trahison dont l’exécution n’avait été différée que pour la rendre plus éclatante.
Bien longtemps don Gusman demeura accroupi dans la pampa, tenant entre ses bras le corps inerte de sa femme, qu’il cherchait à ranimer ; il ne voyait et n’entendait rien, absorbé dans sa douleur et tremblant, après avoir perdu l’enfant, d’avoir à pleurer la mort de la mère.
Il fut réveillé en sursaut par un coup assez fort qu’il reçut sur l’épaule ; il releva la tête : un homme se tenait debout devant lui, le sourire aux lèvres.
— Don Gusman de Ribeyra, lui dit-il d’une voix railleuse, vous êtes mon prisonnier.
Cet homme était le colonel don Bernardo Pedrosa : une nombreuse troupe de soldats l’accompagnait.
XIX
LA FIN DU RÉCIT
À cet endroit du récit don Estevan s’arrêta.
— Oh ! tout cela est effroyable, s’écria don Fernando avec un accent mêlé de colère et de pitié.
— Ce n’est pas tout encore, reprit le jeune homme.
— Mais quel rapport cette épouvantable histoire a-t-elle avec don Pedro de Luna ?
— Ne vous ai-je pas averti en commençant que cette histoire était la sienne ?
— C’est vrai, pardonnez-moi, mais, entraîné par les horribles péripéties de ce lugubre récit, j’avais tout oublié pour suivre vos personnages ; tout s’est tellement brouillé dans mon esprit que je croyais assister à ces scènes sans nom qui se déroulaient devant moi avec une vertigineuse rapidité, sans me