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Page:Aimard - Les Chasseurs d’abeilles, 1893.djvu/52

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LES CHASSEURS D’ABEILLES

Cette bonne nouvelle acheva de dissiper les sombres nuages qui obscurcissaient le front de l’haciendero, et ce fut avec une vive impatience qu’il attendit la visite matinale que sans doute son hôte ne tarderait pas à lui faire.

En effet, lorsque le Chat-Tigré supposa que ceux auxquels il avait offert l’hospitalité devaient être éveillés, il se présenta à eux pour s’informer de la façon dont ils avaient passé la nuit.

L’haciendero le remercia avec effusion, l’assura qu’ils étaient tous frais et dispos et que doña Hermosa elle-même se sentait presque guérie.

— Tant mieux ! répondit le Chat-Tigre en dardant un regard ardent sur la jeune fille. C’eût été dommage qu’une aussi charmante créature pérît ainsi misérablement. Maintenant que comptez-vous faire ? Ne prenez pas en mauvaise part la question que je vous adresse, je serais heureux de vous conserver auprès de moi, et plus vous y resterez, plus vous me ferez plaisir.

— Je vous remercie de votre offre gracieuse, répondit don Pedro : malheureusement je ne puis l’accepter ; on doit être fort inquiet de moi dans l’hacienda dont je suis propriétaire, et j’ai hâte d’aller moi-même rassurer ceux que mon absence peut douloureusement affecter.

— C’est juste ; ainsi votre intention est de partir ?

— Le plus tôt possible, je vous l’avoue ; malheureusement je n’ai pas de chevaux pour accomplir ce voyage de quelques lieues à peine, aussi vous prierai-je de mettre le comble à votre gracieuse hospitalité, dont je ne sais réellement comment vous remercier, en consentant à me vendre les animaux qui me sont nécessaires pour retourner chez moi, en même temps que je vous serais obligé de me donner un guide qui me fasse traverser cette forêt qui a failli devenir mon tombeau, et me remette dans le bon chemin ; vous voyez, caballero, que j’exige beaucoup de votre courtoisie.

— Vous me demandez ce qui est juste, señor, je tâcherai de satisfaire vos désirs, mais comment se fait-il que vous vous soyez trouvé ainsi à pied, perdu dans une forêt vierge à une aussi grande distance des habitations ?

L’haciendero lança à la dérobée un regard soupçonneux à son interlocuteur, mais le visage de celui-ci était froid et impassible.

Don Pedro lui raconta alors dans tous ses détails l’attentat extraordinaire dont il avait été victime.

Le Chat-Tigre l’écouta avec le plus grand calme sans l’interrompre, puis, lorsqu’il eut terminé son récit :

— Tout cela me semble incompréhensible, dit-il ; je suis fâché de ne pas avoir été informé hier au soir de cet événement ; il est bien tard maintenant ; cependant laissez-moi faire, peut-être parviendrai-je à vous faire rentrer en possession de ce qui vous a été enlevé ; dans tous les cas, je vous fournirai les moyens de regagner sûrement votre habitation : ainsi ne conservez nulle crainte à cet égard. Je ne pense pas que vous ayez l’intention de vous mettre en route à jeun ; aussitôt après le déjeuner vous pourrez partir, je vous demande quelques instants afin de donner les ordres nécessaires à votre voyage ; avant une heure je vous ferai avertir.

Là-dessus il se retira, laissant les voyageurs fort étonnés et surtout fort