Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/103

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croisant ensuite leurs bras sur la poitrine, ils attendirent.

À cette manifestation des sentiments pacifiques des nouveaux venus, le Canadien laissa reposer à terre la crosse de son rifle, et d’un coup d’œil rapide, il examina les Indiens.

Le premier était un homme de haute taille, ses traits étaient intelligents, sa physionomie ouverte ; autant qu’il est possible de reconnaître l’âge d’un Indien, celui-ci paraissait avoir passé le milieu de la vie. Il était revêtu de son grand costume de guerre, et la plume de condor, fichée au-dessus de son oreille droite, indiquait qu’il avait le rang de sachem dans sa tribu.

L’autre Peau-Rouge n’était pas un homme, mais une femme d’une vingtaine d’années au plus : sa taille était frêle, souple et élégante, son costume orné avec toute la coquetterie indienne ; cependant, ses traits flétris, où n’apparaissaient que comme une lueur fugitive les traces d’une beauté évanouie avant l’âge, montraient que, de même que toutes les femmes indiennes, elle avait été impitoyablement soumise aux rudes travaux du ménage dont les hommes leur laissent tout le poids, regardant comme au-dessous de leur dignité de s’en occuper.

À la vue de ces deux personnages, le chasseur éprouva malgré lui une émotion dont il ne put se rendre compte ; plus il considérait le guerrier arrêté devant lui, plus il lui semblait retrouver dans cette physionomie martiale le souvenir lointain des traits d’un homme que jadis il avait connu, sans cependant qu’il lui fût possible de se rappeler ni où ni quand cette liaison avait existé ; mais, refoulant au