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LES FRANCS TIREURS

— C’est vrai, parlez à votre guise.

— Jamais, continua le nègre, je n’ai galopé de si bon cœur ; mon cheval détalait que c’était plaisir à voir, on aurait dit que la pauvre bête comprenait mon impatience de m’éloigner de l’hacienda, tant il courait rapidement. Cette course dura ainsi sans interruption près de quatre heures ; au bout de ce temps je jugeai nécessaire de donner quelques instants de répit à ma monture, afin de lui laisser reprendre haleine ; les animaux sont comme les hommes, sans comparaison : si l’on s’obstine à les surmener, ils vous manquent tout à coup sous les pieds, c’est ce qui me serait arrivé si je n’avais pas eu le soin de m’arrêter à temps. Je laissai donc mon cheval se reposer deux heures, puis après l’avoir bouchonné avec soin, je repartis ; mais je n’étais pas encore au bout de mes aventures : à peine avais-je fait un temps de galop d’une heure au plus, que je vins donner en plein au milieu d’une troupe nombreuse de cavaliers armés jusqu’aux dents, qui débouchèrent soudainement d’un ravin et m’enveloppèrent de tous les côtés, avant seulement que j’aie eu le temps de bien les voir. La rencontre n’avait rien de fort agréable, d’autant plus qu’ils ne paraissaient pas animés des meilleures dispositions à mon égard, et je ne sais pas trop comment je me serais tiré de ce mauvais pas, si l’un de ces hommes ne s’était avisé de me reconnaître, bien que je ne me souvienne pas de l’avoir jamais vu, et s’était mis à crier ; Eh ! mais, c’est un ami ; c’est Quoniam, le compagnon de Tranquille ! J’avoue que cette exclamation me fit plaisir : on a beau être brave, il y a certaines circonstances où malgré soi