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LES FRANCS TIREURS

vant, sans s’en douter probablement, l’exemple que quelques siècles auparavant leur avaient donné les chefs barbares, après l’écroulement et le démembrement de l’Empire romain.

Les conquérants étaient peu nombreux, les parts furent grandes, et la plupart de ces héros en guenilles qui dans leur patrie, n’avaient pas même un toit de chaume pour reposer leur tête, se trouvèrent du jour au lendemain seigneurs de domaines immenses, qu’ils se mirent immédiatement à faire valoir, déposant sans regret l’épée pour saisir la bêche, c’est-à-dire obligeant les Indiens devenus leurs esclaves à défricher pour eux les terres qu’ils leur avaient ravies.

Le premier soin des nouveaux possesseurs du sol fut de construire dans des positions faciles à défendre des habitations dont les murailles hautes, épaisses et crénelées en fissent de véritables forteresses, derrière lesquelles ils pussent facilement braver les tentatives de révolte de leurs esclaves.

Les habitants avaient été partagés comme la terre ; chaque soldat espagnol en avait reçu un grand nombre dans son lot : les bras ne manquaient pas, la pierre ne coûtait rien, les habitations furent construites dans de vastes proportions et avec une si extrême solidité que même aujourd’hui après plusieurs siècles écoulés ces haciendas sont encore un objet d’admiration pour le voyageur.

Seuls les esclaves, pour qui la mesure du temps n’existe plus et dont le seul espoir est la mort, peuvent entreprendre et achever ces constructions cyclopéennes dont nous, hommes d’un autre âge,