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LES FRANCS TIREURS

de vous désabuser sur leur compte, car on les a étrangement calomniés ; ce n’est que sur mon refus répété à plusieurs reprises, que le combat s’est engagé ; leur chef m’offrait encore la vie au moment où je me précipitais avec lui dans le gouffre béant sous nos pas ; devenu leur prisonnier, ils m’ont rendu mon épée, m’ont donné un cheval et fourni un guide qui m’a accompagné jusqu’à portée de fusil de vos avants-postes : est-ce donc là la conduite d’hommes cruels ?

— Non, certes, je suis content de vous voir ainsi rendre justice à nos ennemis.

— Je constate seulement un fait.

— Oui, et un fait malheureux pour nous ; il faut que ces hommes se croient bien forts pour agir ainsi : cette clémence, de leur part, attirera un grand nombre de partisans dans leurs rangs.

— Je le crains.

— Moi aussi : n’importe, le moment est venu d’agir avec vigueur ; car, si nous n’y prenons garde, dans huit jours les pierres mêmes de ce pays, dont aujourd’hui encore nous sommes les maîtres, se soulèveront contre nous pour nous chasser, et le sol deviendra tellement brûlant sous nos pas, qu’il nous faudra fuir devant les masses indisciplinées des guasos mal armés qui nous harcelleront comme des nuées de moustiques.

— J’attends vos ordres, général.

— Vous sentez-vous assez fort pour remonter à cheval ?

— Parfaitement.

— Très-bien. J’ai fait prendre les armes à trois cents hommes, fantassins et cavaliers : l’infanterie