Le Cerf-Noir lui lança un regard farouche, sans répondre.
— Il le faut, dit le chasseur.
Le chef comanche baissa la tête, rendit la liberté à son ennemi et fit un pas en arrière.
D’un bond le Renard-Bleu se releva ; mais au lieu d’essayer de fuir, il croisa les bras sur la poitrine, reprit ce masque d’impénétrable impassibilité que les Indiens ne quittent jamais, et attendit.
Tranquille le considéra un instant avec une expression singulière, puis il lui dit :
— J’avais tort tout à l’heure, que mon frère me pardonne. Non, les souvenirs de la jeunesse ne s’évanouissent pas comme les nuages que le vent emporte ; quand j’ai vu le danger terrible qui menaçait le Renard-Bleu, mon cœur a tressailli, il s’est ému, et je me suis souvenu que longtemps nous avons été amis ; j’ai tremblé de voir son sang couler devant moi. Le Renard-Bleu est un grand chef, il doit mourir en guerrier à la face du soleil, il est libre de rejoindre les siens, qu’il parte.
Le chef releva la tête.
— À quelles conditions ? dit-il sèchement
— À aucune. Si les guerriers apaches nous attaquent, nous les combattrons, sinon nous continuerons paisiblement notre voyage. Que le chef décide, de sa volonté dépendent les événements.
Tranquille, en agissant ainsi qu’il l’avait fait, avait donné une preuve évidente de la profonde connaissance qu’il possédait du caractère des Peaux-Rouges, par lesquels toute action héroïque est immédiatement appréciée à sa juste valeur. Le jeu était périlleux à jouer, mais la situation des chasseurs était