Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/19

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fauves que pour être probablement martyrisé par les Peaux-Rouges.

Triste perspective, et qui fournissait au malheureux moine une ample matière à des réflexions plus lugubres les unes que les autres, car maintes fois il avait entendu en frissonnant les récits des chasseurs, sur les tortures atroces que les Apaches se plaisent à infliger à leurs prisonniers avec une barbarie sans égale.

Cependant les Indiens continuaient à fumer silencieusement, ils ne semblaient pas s’être aperçu que leur captif eût recouvré sa connaissance.

De son côté, le moine avait hermétiquement fermé les yeux et s’étudiait à conserver la plus complète immobilité, afin de laisser le plus longtemps possible ses redoutables compagnons dans l’ignorance qu’il leur supposait, de l’état dans lequel il se trouvait.

Enfin, les Indiens cessèrent de fumer, et après avoir secoué la cendre de leurs calumets, les repassèrent à leur ceinture ; un Peau-Rouge ôta du feu la moitié de daim qui se trouvait cuite à point, la déposa sur des feuilles d’abanijo, devant ses compagnons, et chacun, s’armant de son couteau à scalper, se prépara à une vigoureuse attaque contre la venaison qui exhalait une odeur fort appétissante, surtout pour les narines d’un homme qui, pendant toute la journée qui venait de s’écouler, avait été condamné à un jeûne absolu.

En ce moment, le moine sentit une lourde main se poser pesamment sur sa poitrine, pendant qu’une voix lui disait, avec un accent guttural qui cependant n’avait rien de menaçant :