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LES FRANCS TIREURS.

je suis cependant résolu à faire mon devoir en homme de cœur et à mourir sur la brèche, la poitrine tournée vers vous.

— Je le sais, frère, et je ne puis vous en vouloir ; car moi aussi je suis résolu à accomplir la tâche difficile qui m’est imposée.

— Telles sont les exigences terribles des guerres civiles, que les hommes les plus portés à s’estimer et à s’aimer sont contraints d’être ennemis les uns des autres.

— Dieu et notre pays nous jugeront, ami, et notre conscience nous absoudra ; ce ne sont pas des hommes qui combattent, ce sont des principes fatalement placés en présence.

— J’ignorais que vous fussiez le chef des bandes insurgées qui ont investi la place, cependant un secret pressentiment m’avertissait sourdement de votre présence,

— C’est étrange, murmura le Jaguar, ce pressentiment dont vous me parlez, moi aussi je l’ai éprouvé ; voilà pourquoi il y a un instant j’ai si fort insisté pour avoir une entrevue avec le commandant de l’hacienda.

— Cette même raison m’avait poussé, au contraire, à ne pas me montrer, mais j’ai dû céder devant votre insistance, et me voilà ; je vous jure que j’eusse voulu éviter cette entrevue, qui nous est si pénible à l’un et à l’autre à cause de nos sentiments réciproques.

— Mieux vaut qu’elle ait eu lieu ; maintenant que nous nous sommes franchement expliqués, nous serons plus forts pour faire notre devoir.

— Vous avez raison, mon ami : peut-être en