— Je l’ignorais, fit le colonel avec surprise.
— Le Jaguar, pour faire honneur à ses redoutables alliés, leur a confié, pour cette nuit, la garde de son camp.
— De sorte ?
— De sorte, colonel, que tous les Texiens dorment en ce moment à jambe détendue[1] pendant que les Apaches veillent ou, du moins, devraient veiller à la sûreté des lignes.
— Qu’entendez-vous par devraient veiller ?
— J’entends que les Peaux-Rouges ne comprennent rien à notre manière de faire la guerre, qu’ils ne sont pas habitués à faire sentinelle et que tout le monde dort au camp.
— Ah ! fit le colonel en reprenant d’un air préoccupé sa promenade qu’il avait interrompue pour écouter le récit du chasseur.
Celui-ci attendit, en jetant un regard interrogateur à don Félix qui était demeuré dans la chambre, qu’il plût au commandant de le congédier.
Quelques minutes s’écoulèrent sans qu’un mot fût échangé ; don Juan paraissait plongé dans de sérieuses réflexions.
Tout à coup il s’arrêta devant le chasseur, et le regardant bien en face :
— Je vous connais depuis longtemps de réputation, lui dit-il d’une voix brève, vous passez pour un homme loyal et auquel on peut se fier.
Le Canadien salua, ne comprenant pas encore où tendaient ces préliminaires.
- ↑ Nous avons voulu conserver cette locution essentiellement espagnole : Dormir a pierna suelta.