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Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/224

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LES FRANCS TIREURS

— Jouons cartes sur table. Quel que soit du reste votre caractère, vous avez une manière de voir les choses qui vous rend fort indifférent aux chances bonnes ou mauvaises de la lutte engagée en ce moment dans ce malheureux pays.

— Vous êtes dans le vrai.

— N’est-ce pas ? Peu vous importe que le Texas soit indépendant ou esclave.

— Je l’admets.

— Vous avez donc une autre raison pour agir ainsi que vous le faites ?

— On a toujours une raison.

— Parfaitement ; eh bien ! c’est cette raison que je veux connaître.

— Et si je refuse de vous la dire ?

— Je n’accepte pas votre proposition.

— Vous aurez tort.

— C’est possible.

— Réfléchissez.

— C’est tout réfléchi.

Il y eut un instant de silence ; ce fut le vieillard qui le rompit.

— Vous êtes un enfant soupçonneux et entêté, lui dit-il, qui, par un sentiment de loyauté mal entendu, risquez de perdre une occasion que peut-être vous ne retrouverez jamais.

— J’en courrai le risque ; je veux être franc avec vous : je ne vous connais que sous de fort mauvais rapports, votre réputation est exécrable, rien ne me prouve que sous le prétexte de me servir vous n’ayez pas l’intention de me tendre un piége.

Le visage pâle du vieillard se couvrit d’une rougeur subite à ces rudes paroles, un frisson nerveux