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LES FRANCS TIREURS.

périence qui ne sont ordinairement l’apanage que des hommes qui ont dépassé le milieu de la vie.

— Vous concluez de cela ?

— Je conclus que peut-être nous ferions mieux de ne pas pousser plus loin cette reconnaissance, et de regagner, en toute hâte, l’hacienda, car, ou je me trompe fort, ou cette nuit sombre cache dans ses flancs ténébreux de sinistres mystères qu’avant peu nous verrons s’accomplir et dont peut-être, si nous n’y prenons garde, nous serons les victimes.

— D’après ce que vous me dites, répondit le colonel, je vois que vous me donnez plutôt l’expression de vos appréciations personnelles, que le résultat de faits importants que vous ayez pu voir pendant votre reconnaissance.

— En effet, mon colonel, mais si vous me permettez de parler ainsi, je vous ferai observer que ces appréciations sont celles d’un homme pour lequel, grâce à son expérience, le désert n’a pas conservé de secrets, et que ses pressentiments ont rarement trompé.

— Oui, tout cela est juste, et peut-être devrais-je suivre votre conseil ; ma résolution a peut-être été prématurée, malheureusement il est trop tard maintenant pour y revenir : retourner sur nos pas est impossible, ce serait prouver à mes soldats que je me suis trompé, ce qui n’est pas admissible. Nous devons, coûte que coûte, subir les conséquences de notre imprudence, et pousser en avant quoi qu’il arrive ; seulement, nous redoublerons de prudence, et nous tâcherons d’accomplir notre projet sans trop nous aventurer.

— Je suis à vos ordres, colonel, prêt à vous suivre partout où il vous plaira de me conduire.