d’alguazil, sans me montrer le moindre petit chiffon de papier qui vous autorise à agir de la sorte, sans avoir exhibé le plus léger mandat, vous venez me dire en face que je suis un chef de bandits, un conspirateur, que sais-je encore ; et vous vous engagez à me le prouver. Ma foi, tout autre à ma place agirait ainsi que je le fais : comme moi il s’inclinerait devant la majesté d’une si grande force militaire et d’une si entière conviction. Tout cela me semble tellement extraordinaire et tellement inouï, que je viens à douter de ma propre identité, et je me demande intérieurement si je ne me serais pas trompé jusqu’à présent en me croyant Manuel Gutierrez, le ranchero de Santa-Aldegonda, dans l’État de Sonora, et si je ne suis pas, au contraire, le féroce Jaguar dont vous me parlez et pour lequel vous me faites l’honneur de me prendre. Je vous avoue, général, que cela m’intrigue au plus haut degré, et que je serais fort heureux que vous voulussiez bien me fixer à cet égard.
— Ainsi, caballero, jusqu’à présent vous avez raillé ? dit sèchement le général.
Le Jaguar se mit à rire.
— Cuerpo de Cristo, répondit-il, je le crois bien. Que pouvais-je faire autre chose devant de telles accusations ? Les discuter avec vous ? Vous savez aussi bien que moi, n’est-ce pas, général, qu’on ne discute pas un parti pris et une conviction faite. Au lieu de me dire que je suis le Jaguar, prouvez-le moi, alors je m’inclinerai devant la vérité. Cela est bien simple, il me semble.
— Bien simple, en effet, caballero ; j’espère parvenir bientôt à vous donner cette certitude.