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LES FRANCS TIREURS

— La nuit est noire, il est imprudent d’errer à l’aventure sur le bord de la mer.

— Oui, lorsqu’on est seul et qu’on sent son cœur défaillir dans sa poitrine, répondit immédiatement l’officier qui déjà avait chanté.

— Qui peut se flatter d’avoir le cœur ferme ? reprit la voix.

— Celui dont le bras est toujours prêt à appuyer les paroles pour le soutien d’une bonne cause, répliqua immédiatement l’autre.

— Allons ! allons ! s’écria gaiement le marin, en s’adressant cette fois à ses compagnons ; souquez sur vos avirons, garçons, les jaguars sont en chasse.

— Gare aux coyotes ! dit encore l’officier.

L’embarcation laissa arriver en grand sur le môle, au pied duquel elle se trouva presque immédiatement accostée.

Les deux officiers avaient de leur côté quitté leur abri et s’étaient dirigés à grands pas vers l’extrémité du môle.

Là un homme vêtu en marin, la tête couverte d’un surouest ciré dont les larges ailes dissimulaient ses traits, se tenait immobile, un pistolet à chaque main.

— Patria ! dit-il d’une voix brève lorsque les officiers ne furent plus qu’à trois pas de lui.

— Libertad ! répondirent-ils sans hésiter.

— Vive Dios ! fit le marin en repassant ses pistolets à la ceinture de cuir qui lui serrait les hanches, un bon vent vous amène, don Serapio, et vous aussi, don Cristoval.

— Tant mieux ! Ramirez, répondit celui des officiers auquel on avait donné le nom de Serapio.