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LES FRANCS TIREURS

terie dont les feux se croisent avec lui ; les Mexicains qui nous surveillent, persuadés que nous ne pouvons pas échapper à leur croiseur, ne se donneront pas la peine de faire feu sur nous et nous laisseront passer devant eux sans nous inquiéter.

Et quittant son lieutenant ébahi de ce singulier raisonnement auquel il ne comprenait goutte, le capitaine monta sur le banc de quart, et s’accoudant sur la lisse, il commença à suivre avec soin tous les mouvements du navire signalé par la vigie.

Une heure se passa ainsi sans amener aucun changement dans la position respective des deux navires ; seulement le brick, qui n’avait pas l’intention de trop s’éloigner du croiseur, était loin de porter toute la toile qu’il aurait pu larguer.

Le branle-bas de combat avait été fait à la sourdine, et trente vigoureux matelots armés jusqu’aux dents étaient rangés sur les manœuvres courantes, prêts à obéir au moindre signe de leur capitaine.

Cependant, depuis à peu près une heure, le brick se rapprochait du cap, et obligé de côtoyer un récif sous-marin dont le gisement ne lui était pas bien connu, le capitaine avait fait carguer les perroquets et les basses voiles, et s’avançait la sonde à la main ; le croiseur, au contraire, s’était littéralement couvert de toile et grossissait à vue d’œil, prenant les imposantes proportions d’une corvette de premier rang ; l’on voyait déjà parfaitement sa coque noire traversée dans toute sa longueur par une large bande blanche percée de quinze sabords qui laissaient passer les bouches de ses canons à la Paixhans. Sur la côte dont on était fort proche, et groupés sur les rochers, on distinguait une foule d’individus des