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LES FRANCS TIREURS.

Le capitaine Johnson était un trop vieux routier pour ne pas savoir comment il devait agir dans la circonstance où il se trouvait ; aussitôt le désarmement opéré, il monta sur le banc de quart, prit en main le porte-voix, et, sans faire de distinction entre les matelots éparpillés sur le pont, il commanda une série de manœuvres destinées à habituer ces hommes au son de sa voix et à leur prouver qu’il connaissait à fond son métier, ce que tous reconnurent en quelques minutes.

Ces ordres furent alors exécutés avec une précision et une rapidité telles, que la corvette, presque désemparée une heure auparavant, se trouva avoir installé des mâts de fortune en remplacement de ceux qu’elle avait perdus, avoir rétabli sa voilure, et être en état de faire route pour quelque port où il plairait à son nouveau chef de la conduire.

Le pont avait été complètement déblayé ; les manœuvres courantes, coupées pendant le combat, repassées ; enfin, une heure avant le coucher du soleil, un étranger que le hasard aurait amené sur la Libertad n’aurait pu se douter de ce qui s’était passé.

Lorsqu’il eut obtenu ce résultat, le capitaine sourit dans sa moustache et ordonna à maître Lovel, qui l’avait suivi à bord, de donner un coup de sifflet pour rassembler l’équipage.

À cet appel bien connu d’eux, les matelots maintenant soumis vinrent gaiement se ranger au pied du grand mât, et attendirent silencieusement ce qu’il plairait au capitaine de leur commander.

Celui-ci savait comment il fallait parler à ces rudes natures.