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LES FRANCS TIREURS

La mer venait mourir à leurs pieds avec de sourds murmures, et l’on voyait à quelque distance au large blanchir la crête des lames tourmentées par une brise carabinée du N.-N.-E. 1/2 N. qui semblait devoir, avant une heure souffler en foudre et se changer en tempête.

Le Jaguar reprit :

— Le fort de la Pointe est imprenable ou du moins passe pour tel ; je me suis promis de lui enlever cette auréole orgueilleuse, et pour cela, j’ai compté sur vous, compagnons. Grâce à l’opinion que se font formée les Mexicains de la force de cette citadelle, ils ont jugé inutile d’y entretenir une nombreuse garnison, convaincus que par sa position elle se défendra toute seule, et que, à moins d’une trahison, il est impossible de s’en emparer. La garnison ne se compose donc seulement que de trente soldats commandés par un lieutenant ; c’est peu et c’est énorme : peu, si nous parvenons à les contraindre à une lutte corps à corps ; énorme, si nous sommes au contraire obliges de demeurer à distance. Du côté de la terre, le bloc de granit sur lequel le fort est assis est taillé tellement à pic, que nous ne pourrions jamais atteindre seulement la moitié de sa hauteur ; car excepté le sentier creusé dans le roc, sentier défendu d’espace en espace par d’énormes barricades, l’escalade est impraticable. Il ne faut donc pas songer à attaquer de ce côté. Mais si la terre nous manque, il nous reste la mer. Si nous parvenons à mettre le pied sur l’étroite langue de terre qui, à la marée basse, reste découverte pendant environ une heure au pied de la forteresse, il est probable que nous réussirons dans notre en-