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LES FRANCS TIREURS.

tonnerre gronde, que ces lueurs phosphoriques sont brillantes. Le même phénomène se produit pendant les nuits noires ; plus les ténèbres sont épaisses, plus le sillon que tracent les tintoreras est éclatant. En outre, cet animal est presque aveugle, et ne peut, par conséquent, se diriger par la vue sur la proie qu’il veut atteindre.

De plus que les autres requins, qui pour happer se retournent simplement sur le côté, les tintoreras sont contraintes de se mettre complètement le ventre en l’air.

Dans les îles perlières de la côte mexicaine, il y a des plongeurs indiens et métis qui ne redoutent nullement de combattre les tintoreras et qui souvent parviennent à les tuer.

— Maintenant, reprit le Jaguar après avoir laissé à ses compagnons quelques minutes pour réfléchir, il est temps de nous mettre en mesure. Écoutez-moi. Nous allons tenter une surprise, donc il nous faut agir en conséquence. Laissons ici les armes à feu qui non-seulement nous seraient inutiles mais pourraient encore nous devenir nuisibles en révélant notre présence, si un coup de feu partait par imprudence ; ainsi, que chacun se déshabille et ne garde que son pantalon, pour arme un poignard entre les dents ; cela suffira, le surplus nous gênerait pour la longue traversée qu’il nous faut effectuer.

La nuit se faisait de plus en plus sombre. La mer mugissait lugubrement sous l’impulsion du coromuel qui commençait à souffler par rafales, les loups marins hurlaient dans les ténèbres, la gaviota gémissait tristement sur le sommet des rochers, et de