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LES FRANCS TIREURS.

dons en aucune sorte garantir la véracité de cette légende), on raconte, disons-nous, que quelques années après l’établissement des Espagnols au Texas, un moine franciscain, padre guardian ou prieur de son couvent, accusé d’avoir mis à mal une jeune fille dont il était le confesseur, échappa aux mains des alguazils envoyés pour s’emparer de sa personne et se mit à fuir à travers la campagne. Après une assez longue course, et serré de près par les soldats furieux de ne pouvoir l’atteindre, il arriva sur le bord de cette fissure. Jetant un regard sur l’abîme, le pauvre moine se vit perdu ; recommandant son âme à son saint patron, et attestant le ciel de son innocence, il s’élança résolument de l’autre côté du gouffre. Les soldats, qui arrivaient en ce moment, virent alors distinctement deux anges qui soutenaient le moine par-dessous les bras, et le reposèrent doucement en sûreté sur l’autre bord.

Naturellement les soldats tombèrent à genoux et implorèrent la bénédiction du saint homme, dont l’innocence leur fut alors prouvée jusqu’à l’évidence. Celui-ci se retourna vers eux, le visage rayonnant, les bénit avec onction, puis il disparut, au son d’une musique mélodieuse, dans un nuage de pourpre et d’or.

Voilà le récit que firent de leur expédition les soldats de retour à la ville. Avaient-ils dit vrai, avaient-ils menti, nul ne le sut jamais. Ce qu’il y a de certain, c’est que depuis cette époque on n’entendit plus parler du moine.

Le peuple, toujours amoureux du merveilleux, ajouta la foi la plus entière à cette histoire, et une procession annuelle fut instituée, procession à la-