— Mais, c’est impossible !
— Pourquoi donc ?
— Mais vous êtes fou, mon ami !
— Songez donc que le fort de la Pointe est à moi depuis douze heures déjà, interrompit froidement le Jaguar : je m’en suis emparé la nuit passée par surprise.
— Oh ! fit le colonel avec stupeur.
— Ne vous avais-je pas annoncé que j’avais de graves nouvelles à vous apprendre ? continua le jeune homme. Maintenant voulez-vous connaître la seconde ?
— La seconde ! répéta le colonel au comble de l’étonnement ; et quelle peut être cette seconde nouvelle ? Après ce que je viens d’apprendre, je dois m’attendre à tout.
— Cette seconde nouvelle, la voici : la corvette la Libertad a été amarinée par le brick corsaire avec lequel elle a mouillé au coucher du soleil sous le canon du fort.
À cette révélation inattendue, le colonel chancela, comme un homme ivre ; il était pâle comme un cadavre et ses membres étaient agités d’un mouvement convulsif.
— Malheur ! malheur ! cria-t-il d’une voix étouffée.
Le Jaguar se sentit ému de pitié devant cette douleur si vraie et si poignante.
— Hélas ! mon ami, lui dit-il d’une voix douce, c’est le sort de la guerre.
— Oh ! Galveston ! Galveston ! s’écria le colonel avec désespoir, Galveston que le général avait juré de ne jamais rendre !