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LES FRANCS TIREURS

— Ma fille ? oui señor.

— Pourriez-vous me prouver que cette jeune personne est réellement votre fille ?

— Hein ! qu’entendez-vous par ces paroles ?

— J’entends que doña Carméla n’est pas plus votre fille qu’elle n’est la mienne, que par conséquent nos droits sont égaux, et qu’ainsi je ne suis pas plus forcé de vous la rendre que vous n’êtes en droit de l’exiger.

— C’est fort contrariant, dit sournoisement le chasseur.

— N’est-ce pas ? fit le Scalpeur-Blanc.

Tranquille sourit avec ironie.

— Je crois que vous vous trompez singulièrement, señor, dit-il toujours impassible,

— Ah !

— Écoutez-moi quelques minutes. Je n’abuserai pas longtemps de vos instants, qui doivent être précieux. Je ne suis qu’un pauvre chasseur, moi, señor, ignorant des choses du monde et des subtilités de la civilisation. Seulement, je crois que l’homme qui adopte un enfant au berceau, en prend soin et l’élève avec une tendresse et un amour qui ne se démentent jamais, est bien plus son père que celui qui, après lui avoir donné la vie, l’abandonne sans plus s’en occuper davantage : voilà de quelle façon j’entends la paternité, señor. Peut-être me trompé-je ; mais dans un cas comme dans l’autre, comme je n’ai ni leçons, ni ordres à recevoir de vous, j’agirai comme il me plaira de le faire, que cela vous convienne ou non. Venez, ma chère Carméla, nous ne sommes que trop longtemps demeurés ici.