Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/99

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— C’est vous, au contraire, mon ami, qui allez vous reposer, vous savez bien que j’ai dit que je veillerais ?

— Non pas.

— Mais vous êtes brisé de fatigue, mon ami !

— Moi ? allons donc, j’ai un corps de fer et des nerfs d’acier, la lassitude n’a pas de prise sur moi.

— Cependant, mon ami, les forces humaines, si étendues qu’elles soient, ont néanmoins des bornes au delà desquelles elles ne peuvent aller.

— C’est possible, mon ami, je ne discuterai pas cette question avec vous, je me bornerai seulement à vous dire que la joie m’a ôté le sommeil, je suis éveillé comme un opossum, ce serait vainement que j’essaierais à fermer les yeux ; non, j’ai besoin au contraire de réfléchir un peu à tout cela, et c’est ce que je veux faire, tandis que vous, qui naturellement êtes plus calme, vous dormirez.

— Soit, puisque vous l’exigez absolument, mon ami, je n’insiste pas davantage.

— À la bonne heure ! vous devenez raisonnable, dit Tranquille en souriant. Bonne nuit, frère.

— Bonne nuit ! répondit le Cœur-Loyal.

Le jeune homme, devant la volonté si nettement exprimée du Canadien, jugea inutile de résister plus longtemps, d’autant plus qu’il commençait à sentir les premières atteintes du sommeil. Il se coucha après avoir une dernière fois dit bonsoir au chasseur, et il ne tarda pas à s’endormir.

Tranquille avait dit vrai : il avait besoin de s’isoler pendant quelques heures, afin de repasser dans son esprit les derniers événements qui, depuis quelques jours, l’avaient assailli si à l’improviste et