Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/107

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été trouvés et reconnus par mon mari lui-même, en supposant qu’il fût revenu à l’improviste. Dans un cas comme dans l’autre, mon existence aurait été établie.

— Évidemment, madame, qu’avez-vous donc fait ?

— J’ai tout simplement emporté ces vêtements, docteur, afin de ne pas laisser derrière moi ces preuves matérielles si compromettantes.

— Vous y avez songé ? Allons, dit-il en riant, les femmes seront toujours plus fortes que nous ! ainsi, vous les avez ici ?

— Dans cette grande malle que vous voyez là.

— Ah ! pour cette fois, madame, vous êtes bien véritablement sauvée ; je m’incline devant vous.

Sur un geste de sa maîtresse, Clairette ouvrit la malle, et en tira les vêtements dont la perte causait un si vif chagrin au docteur. Tout y était : robe, fichu, jupons, bas, jarretières, gants, jusqu’à la chemise et les pantoufles.

La valise fut vidée en un clin d’œil, et les vêtements en question, pliés et tassés dedans.

— Maintenant voici l’alliance, reprit la marquise en la retirant de son doigt, et la remettant au docteur.

— Le ciel vous protège ! madame. Je ne sais pourquoi j’ai le pressentiment que vous serez, d’une façon éclatante, vengée de votre bourreau.

— Je ne désire pas cette vengeance, docteur, répondit-elle tristement, il en sera ce qu’il plaira à Dieu : être délivrée pour toujours de ce monstre, est tout ce que je demande de sa toute-puissante bonté.

La conversation se prolongea jusque vers minuit ; le docteur prit avec la marquise tous les arrangements nécessaires pour communiquer facilement avec elle, chaque fois que les circonstances l’exigeraient, et qu’il surviendrait quelque incident, dont elle devrait être instruite.

Puis, après lui avoir souhaité un bon voyage, et l’avoir fortement engagée à attacher à son service un homme sûr et capable de la défendre, le docteur prit affectueusement congé de la marquise, et se sépara d’elle, comme un père le ferait d’une fille aînée.