Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/168

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qu’il allait épouser dans quelques jours, un avenir de joie s’ouvrait devant lui.

L’amour, la fortune lui promettaient une vie calme, heureuse, près de la charmante créature qu’il avait choisie, et dont la tendresse ingénieuse s’appliquerait constamment à satisfaire ses moindres désirs et à deviner ses pensées, pour y conformer les siennes.

Maintenant, tout était ombres et ténèbres autour de lui.

Ce bonheur rêvé était détruit peut-être pour toujours !

Un homme, un misérable, avait d’un mot brisé cet avenir radieux et jeté le trouble et le désespoir là où régnaient toutes les joies d’un bonheur calme et assuré.

À ces pensées, le cœur du jeune homme bondissait dans sa poitrine, ses mains se crispaient, son regard lançait de fauves effluves, il rêvait d’horribles vengeances !

Il fallait toute sa puissance sur lui-même, et le souvenir de la présence de Denisà dans la maison de son père, pour qu’il ne s’élançât pas au dehors, et, au risque de tout ce qui pourrait arriver, ne se mît pas à la recherche de Felitz Oyandi, pour lui demander un compte sévère de sa conduite déloyale et tirer de lui une éclatante vengeance.

Vingt fois il se leva, résolu à en finir.

Vingt fois il se laissa retomber sur sa chaise, avec accablement, en frappant du poing et s’écriant avec une rage à peine contenue :

— Non, je ne puis l’abandonner ! je dois veiller sur elle ! Ah ! si elle n’était pas ici !

Il cacha sa tête dans ses mains, laissa tomber ses coudes sur la table, et pleura.

Julian était bien jeune encore, il ne savait pas ce que c’est que la douleur, cette force mystérieuse et toute puissante dont la nature se sert pour éprouver le cœur humain, l’épurer en le plongeant dans le terrible creuset de la souffrance, pour tremper l’âme et la rendre ainsi capable de soutenir toutes les luttes, supporter sans frémir