Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croit scellée à jamais dans la fosse, au fond de laquelle il vous a jetée. En accomplissant cette nuit, par exemple, l’enlèvement qu’il a pratiqué lui-même la nuit passée, et cela dans des conditions identiques, c’est-à-dire les verrous poussés à la porte, le lit sans être défait, la lampe laissée allumée, et toutes choses demeurées en place dans votre chambre, votre disparition mystérieuse produira demain l’effet qu’elle eût produite aujourd’hui, si vous n’étiez pas revenue ; votre mari sera un des premiers avertis, soit par ses espions, s’il en a, soit par les journaux, car le scandale sera grand. Ainsi que je vous l’ai dit, une personne de votre rang ne disparaît pas sans que la rumeur soit grande. Votre mari s’affermira ainsi dans la conviction que vous êtes morte, car mieux que personne il sait comment vous aurez été enlevée et les suites de cet enlèvement. Cette conviction de votre mari deviendra pour vous une garantie de sécurité. Comment pourrait-il essayer des recherches, ayant la certitude qu’elles n’aboutiraient pas ? Vous pourrez ainsi vivre tranquille dans la retraite que vous aurez choisie, sans craindre des persécutions devenues impossibles.

— Vous oubliez une chose importante, docteur ; une date qui donnera l’éveil à mon mari : il y aura une différence de vingt-quatre heures entre mon enlèvement et ma disparition ?

— En effet, ces vingt-quatre heures existeront, mais pour vous seule, madame.

— Comment cela, docteur ?

— Depuis hier, excepté votre camériste, personne de votre maison ne vous a vue ?

— C’est vrai. Mais hier, en rentrant, j’ai pris du thé ; ce matin, je me suis fait servir mon chocolat. Mais, pardon, j’y songe, ce thé et ce chocolat, Clairette les fait elle-même, dans la salle à manger, au moyen d’appareils à esprit-de-vin ; le plus souvent les autres domestiques l’ignorent ; mais vous êtes ici en ce moment, docteur, votre visite ne saurait être dissimulée.

— Ne vous donnez pas la peine de vous préoccuper de