Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/253

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à bord avant l’enrôlement de Jean, et que, pendant la traversée du Havre à Guaymas, aucune occasion ne s’était présentée de faire sortir les armes de la cale, le déserteur était convaincu qu’il n’y avait ni armes ni munitions à bord de la Belle-Adèle.

Voilà pour quels motifs le chef des pirates arrivait si franchement sur le bâtiment, qu’il se proposait d’enlever haut la main et sans coup férir.

En effet, que pouvaient faire cinquante hommes surpris et manquant d’armes, contre quarante bandits déterminés et armés jusqu’aux dents ?

Arrivé à portée de pistolet du trois mâts français, le sloop diminua de voiles.

Il amena sa trinquette et un de ses focs, puis, venant au vent, il se mit vent dessus vent dedans, et devint immobile.

Alors les deux canots de remorque, espèces de grandes lanchas à bords peu élevés, bourrées de monde, suivies d’une troisième embarcation, descendue en un clin d’œil à la mer par le sloop, mirent le cap sur la Belle-Adèle, en souquant sur les avirons et nageant avec une incroyable rapidité.

Les bandits s’imaginaient si bien qu’ils trouveraient tout le monde endormi à bord du bâtiment français, qu’ils avaient eu le soin de garnir les avirons de paillets au portage, afin d’étouffer le bruit de la nage et de ne donner ainsi l’alarme à ceux qu’ils espéraient surprendre que lorsqu’il serait trop tard.

Un silence profond, presque menaçant tant il était complet, régnait sur la Belle-Adèle : tout y était calme et sombre.

Sur un ordre donné à voix basse, les deux lanchas, plus avancées que le troisième canot, accostèrent brusquement le trois-mâts par les haubans et les sous-gardes du beaupré, presque sous le poulaine, et s’élancèrent dans les manœuvres en poussant de grands cris et essayant de grimper jusqu’à la lisse.

Mais au même instant, le navire se redressa subitement