Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/295

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— Eh bien ? lui demanda-t-il.

— Regardez les marques que j’ai faites ; vous saurez à quoi vous en tenir sur la valeur de vos enrôlés.

— Oui, en effet, dit-il en jetant les yeux sur la liste ; un, deux, trois, quatre ; en voici neuf de marqués ; vous les trouvez mauvais, sans doute ?

— Vous vous trompez, cher monsieur ; ceux que j’ai marqués sont les seuls bons.

— Neuf sur quatre-vingts ! s’écria-t-il avec surprise.

— C’est comme cela. Je vous avertis charitablement, dans votre seul intérêt, que les autres ne valent rien, et vous seraient plus nuisibles qu’utiles ; ce sont de pauvres hères, poltrons comme des lièvres, de simples filous incapables de rien faire de bon et d’énergique ; parmi eux, j’ai relevé quatre mouchards ; vous plaît-il de mettre la police dans votre confidence ?

— Dieu m’en garde ! s’écria-t-il avec épouvante ; heureusement, ajouta-t-il après un court silence, ils ne savent rien encore.

— Tant mieux pour vous si vous avez eu cette prudence : le service de sûreté est admirablement fait, je vous en avertis : ces drôles sont-ils ici ?

— Non, ils ignorent même ma demeure. Je n’ai pas voulu me découvrir à eux avant de les mieux connaître ; ils sont près d’ici, chez un marchand de vins, dans une cave très profonde, où les piqueurs de grandes maisons se réunissent presque tous les soirs pour étudier le cor français, la Dampierre.

— Très bien ; ainsi, ils ne vous connaissent pas de vue ?

— Non ; ils n’ont été mis en rapport qu’avec Caboulot ; c’est lui qui les a enrôlés, je ne sais même pas quel prétexte il leur a donné.

— Alors, rien n’est perdu encore. Faites remettre quelque argent à ces drôles, et débarrassez-vous-en le plus promptement possible.

— Cette nuit même, sans attendre ! s’écria-t-il avec empressement.