Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/297

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— Vous voyez bien, vous en convenez vous-même !

— Parfaitement ; mais ce million est pour mes hommes ; il ne m’en restera rien : pensez-vous donc que deux cent mille francs pour ma part ce soit trop ?

— C’est fait de moi, je suis ruiné ! s’écria le manchot avec désespoir.

— Bah ! vous m’avez dit, il n’y a qu’un instant, que vous n’étiez qu’un intermédiaire.

— C’est vrai, se hâta-t-il de balbutier ; mais je défends les intérêts de…

— Qui vous voudrez, cela ne me regarde pas, inter- rompit brusquement le Loupeur ; c’est à prendre ou à laisser. Il me faut quatre cent mille francs d’arrhes, dont cent mille francs tout de suite.

— Vous m’égorgez !

— Allons donc, cher monsieur, vous vous moquez de moi : c’est vous qui voulez vous venger et égorger vos ennemis au rabais. Ne confondons pas, s’il vous plaît. Les complices coûtent cher partout ; à Paris, ils sont hors de prix, surtout quand on veut être bien servi. Vous imaginez-vous, par hasard, que nous tirerons les marrons du feu pour vous ? Voyons, assez de simagrées comme cela, les cent mille francs à l’instant : je ne suis resté que trop longtemps ici, je veux partir ; d’ailleurs, il se fait tard.

— Mais qui m’assure que cet argent reçu, vous ne me tromperez pas ?

— Mon honneur de bandit, qui vaut bien le vôtre, monsieur l’honnête homme, répondit-il fièrement : allons, faites vite, je suis pressé.

Le manchot entr’ouvrit un des tiroirs de son bureau.

Il en tira en rechignent, et pour ainsi dire un par un, les billets de banque, et il les remit avec un soupir de regret au Loupeur, qui riait d’un air railleur, tout en examinant les billets avec le plus grand soin.

— Vous le voyez, je fais tout ce que vous voulez, dit le manchot d’une voix pleurarde.

— J’admire, cher monsieur, comment l’avarice et la