Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/58

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— Pardieu ! c’est bien simple, pendons-le.

Denizà se leva.

— Messieurs, dit-elle, il est onze heures et demie, dans une demi-heure la cloche du déjeuner sonnera, permettez-moi de me retirer, j’ai quelques changements à faire à ma toilette. D’ailleurs, vous allez entamer une discussion à laquelle je désire ne pas assister : cédant aux élans de mon cœur, je vous prierais probablement d’être cléments pour le misérable dont vous allez vous occuper, et peut-être aurais-je tort. Dans les circonstances présentes, d’après ce que nous avons appris sur son compte et ses relations avec le Mayor et avec l’amie que vous aimez comme moi, mon devoir est de rester neutre.

La jeune femme embrassa le docteur, présenta son front à son fiancé, et elle se retira légère et gracieuse comme un sylphe.

— Sur mon âme ! s’écria le docteur en riant, cette chère Denizà est femme de pied en cap. Rien ne lui échappe. Elle ne pouvait nous dire plus clairement d’être implacables ; en effet, si, par hasard, la comtesse apercevait ce misérable, ou si seulement son nom était prononcé devant elle, un malheur pourrait arriver, et alors notre secret serait à tous les diables !

— Oh ! les femmes ! s’écria Bernardo d’un air tragique, ces charmants petits démons aux ongles roses, quelles jolies griffes elles possèdent et comme elles savent bien égratigner quand elles le veulent !

Le docteur et Julian ne purent s’empêcher de rire de cette singulière boutade de l’honnête chasseur.

— Donc nous le pendons ? reprit Bernardo.

— Je serais de ton avis si nous étions dans la savane, répondit Julian, le juge Lynch nous absoudrait de cette exécution ; mais ici, c’est impossible, malheureusement.

— Bon ! reprit Bernardo ; s’il n’y a que cela qui t’inquiète, laisse-moi faire, je me charge de tout.

— Que feras-tu ?

— Justice ! Cet homme est un scélérat couvert de crimes : il a cent fois mérite la mort ; sa présence ici