Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/101

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Ils ne jetaient pas un cri, ne prononçaient pas un mot ; parfois, une plainte sourde s’échappait entre leurs dents serrées par la rage.

Mais c’était tout.

Après deux ou trois minutes d’efforts gigantesques, cette lutte furieuse cessa subitement.

Bernard se releva en rajustant ses vêtements, laissant son adversaire étendu immobile sur le sol.

— Est-il mort, ou n’est-il qu’évanoui ? murmura-t-il. Voyons toujours quel est cet ennemi si acharné qui a tiré sur moi, comme à la cible.

Tout en parlant ainsi, il fouillait dans sa poche, dont il tira une boîte d’allumettes-bougies, et il se préparait à en frotter une sur le couvercle de la boîte…

Mais, soudain, le prétendu cadavre sauta lestement sur ses pieds, s’élança en courant, tourna le coin de la rue et s’éloigna avec une rapidité telle, que Bernard, complètement abasourdi par cette fuite imprévue, demeura, l’allumette à la main, sans même essayer une poursuite dont, au reste, il reconnut presque aussitôt l’inutilité.

— Allons ! c’est bien joué, dit-il ; quel gaillard ! comme il détale ! Bah ! je le retrouverai, ce n’est que partie remise : il voudra avoir sa revanche !

Il fit un mouvement, comme pour traverser la rue.

Mais, se ravisant aussitôt, il frotta l’allumette qu’il n’avait pas jetée, et lorsqu’elle fut enflammée, il se pencha vers le sol et examina avec soin le champ de bataille, si lestement déserté par son ennemi.

Ses recherches obtinrent un certain succès.

Il ramassa d’abord un fort beau revolver à six coups, celui dont probablement son agresseur s’était servi, et, qu’en fuyant, il avait laissé tomber.

Puis, un instant après, il trouva un mignon carnet en cuir de Russie et à coins d’argent.

Après s’être bien assuré que c’était tout, Bernard mit ces dépouilles opimes dans sa poche et se décida à traverser la rue.