Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/145

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On le coucha dans la voiture, geignant et pleurant.

Malheureusement pour lui, il était bâillonné et avait son bourgeron relevé par dessus la tête, de sorte qu’il ne pouvait ni demander grâce, ni reconnaître les personnes entre les mains desquelles il se trouvait.

Sur un ordre donné à voix basse par Williams Fillmore, la voiture s’éloigna dans la direction de la rue Montorgueil, tandis que Bernard, son ami indien et le pseudo-Américain remontaient à grands pas la rue de Valois, dans la direction de la rue Vivienne.

— Voilà une singulière affaire ! dit Bernard, dans le simple but de ne pas laisser tomber la conversation.

— Mais non, pas trop ! répondit Williams Fillmore ; elle est toute simple, au contraire, et témoigne de l’habileté des gens employés par le Mayor et de la perfection du système d’espionnage inauguré par eux.

— Le fait est que c’est presque de la prescience de leur part ; car je vous avoue que dix minutes avant d’atteindre l’hôtel de Valenfleurs, la pensée ne m’était pas encore venue à l’esprit de me rendre cette nuit chez vous.

— Hum ! ce que je vois de plus clair dans tout cela, c’est que ces drôles, je ne sais par quels moyens, ont découvert nos relations, bien que toutes les précautions aient été prises entre nous pour éviter qu’ils en fussent instruits, découverte dont les suites peuvent avoir pour moi des conséquences déplorables. Qui sait s’ils n’ont pas découvert mon incognito, si sévèrement conservé cependant, et, sous le déguisement de Williams Fillmore, n’ont pas reconnu Navaja, ce qui serait terrible pour moi ? Mais heureusement le bonheur a voulu que notre ami le Comanche se soit emparé de ces deux drôles ; or, maintenant je suis averti, et je prendrai les précautions nécessaires pour me mettre hors d’atteinte de la vengeance du Mayor : cela fait que je suis plus satisfait que fâché de cette capture.

— Vous savez que Julian, moi et nos amis, nous sommes prêts à vous servir en tout.

— Je vous remercie ; quant à présent, je n’ai, je le crois,