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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/169

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sujets soumis à son examen, comparant et analysant avec soin les symptômes qu’il croyait découvrir.

Enfin, après plus de vingt minutes d’une étude approfondie et consciencieuse, le docteur se redressa :

— L’état de ces deux hommes est étrange, dit-il ; leur sommeil n’est pas naturel. Il tient à la fois de la léthargie et de l’évanouissement ; mais, certainement, il ne provient pas d’une cause naturelle.

— Un tel état peut-il être causé par l’ivresse, ou, si vous le préférez, par l’absorption exagérée de liqueurs alcooliques ? demanda Bernard.

— Dans certains cas, oui, répondit nettement le docteur ; mais, dans le cas actuel, il ne saurait en être ainsi ; ces deux hommes n’ont bu ni vin ni liqueur ; il est plus probable qu’ils ont respiré un stupéfiant d’une grande puissance, qui les a subitement foudroyés et réduits à l’état où nous les voyons en ce moment.

— Ainsi, ils ne sont pas ivres ? demanda le policier.

— Non, ils n’ont rien bu, et M. d’Hérigoyen, qui serait une des lumières de la science s’il lui plaisait d’exercer la profession de médecin, est de mon avis, j’en suis certain.

— Entièrement, docteur, dit Julian en s’inclinant.

— Ces hommes, reprit le docteur Loreau, ont été victimes d’un guet-apens adroitement préparé.

— Croyez-vous possible de les éveiller ? demanda Bernard.

— J’en doute ; d’ailleurs, je n’ai pas ici les remèdes nécessaires ; cette heure avancée de la nuit, il serait très difficile de se les procurer.

— Je vous remercie, mon cher docteur, reprit Bernard en souriant ; ce que vous me révélez sur l’état de ces deux hommes, je l’avais pressenti dès que j’avais été informé de leur prétendue ivresse. Depuis longtemps je connais ces pauvres diables : ce sont d’honnêtes et dignes serviteurs, très sobres et très dévoués à leur maîtresse. J’ai l’intime conviction qu’ils n’auraient, sous aucun prétexte, consenti à boire avec n’importe qui, dans aucune circons-