Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

défends-toi ! Mais, mille tonnerres ! morte ou vivante, tu ne m’échapperas pas !

Et il allongea le bras pour prendre une arme à la panoplie dont nous avons parlé, et devant laquelle il se trouvait par hasard.

— Vous ne voulez pas renoncer à votre horrible dessein ? reprit la jeune fille d’une voix que, malgré tous ses efforts, l’émotion faisait trembler.

— Non ! répondit-il sourdement ; je suis allé trop loin pour reculer maintenant. Le sort en est jeté. Que l’enfer décide entre nous !

Et il se retourna à demi pour décrocher un revolver.

— Eh bien ! que Dieu me pardonne ! dit-elle, les dents serrées et devenant pâle comme un suaire ; je venge mon honneur outragé. Soyez maudit, lâche !

Et au moment où le misérable se retournait, un revolver à la main, la jeune fille allongea le bras, et, sans même viser, elle pressa la détente.

— Touché ! s’écria le bandit d’une voix rauque.

Il tourna sur lui-même, bondit en avant et tomba la face sur le tapis, en laissant échapper son arme et renversant le guéridon avec tout ce qui était dessus.

— Ah ! j’ai tué le tigre ! s’écria la jeune fille, en fixant sur le Loupeur immobile ses yeux hagards, dans lesquels passaient comme des lueurs de folie.

La force factice qui l’avait soutenue pendant toute la durée de cette horrible scène, tomba subitement.

Elle eut un instant de défaillance presque complète ; la vie semblait l’abandonner.

— Mon Dieu ! s’écria-t-elle avec une indicible terreur, vais-je donc être lâche, moi aussi, et m’évanouir lorsque la fuite m’est enfin devenue possible ?… Non ! non ! je veux fuir !… Je ne resterai pas plus longtemps dans cet enfer… Je veux fuir… fuir ! quand je devrais tomber morte à dix pas de cette horrible maison.

Et, réagissant de toutes les forces de sa volonté contre la prostration qui l’envahissait et paralysait ses efforts, elle se redressa, après une lutte suprême de quelques