Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/255

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— À mon avis, dit le docteur, dans une affaire aussi grave, on doit procéder avec une rapidité foudroyante, chaque heure perdue augmentant les difficultés déjà si grandes de la situation.

Toutes les personnes présentes avaient tour à tour émis leur opinion.

Seul Tahera avait gardé le silence, bien qu’il comprit très bien ce qui avait été dit ; ainsi que nous l’avons rapporté plus haut, depuis son arrivée en France, le guerrier comanche s’était appliqué à apprendre la langue française, et il la parlait très couramment.

— Mon frère le guerrier du Bison-Blanc ne nous donnera-t-il pas son avis ? lui demanda alors le docteur avec déférence.

Tahera sembla hésiter un instant, puis soudain il se leva, cambra sa haute taille, promena un instant son regard sur les assistants, et, étendant le bras droit en avant :

— Un guerrier va parler, dit-il d’une voix haute et ferme. Sommes-nous des hommes, sommes-nous des chefs ? Pourquoi bavarder comme des femmes au lieu d’agir comme des guerriers ? Le chèvrefeuille des bois nous appelle à son secours : écoutez ! J’entends d’ici ses cris de désespoir ; ses sanglots douloureux brisent sa blanche poitrine ; elle est faible comme un roseau pliant, seule et sans défense aux mains du plus féroce fauve des savanes. Nous l’aimons, la vierge pure aux yeux de gazelle, c’est la joie de sa mère, qui se sent mourir loin d’elle ! Ne ferons-nous rien pour la sauver ? Nous sommes des hommes braves, lançons-nous sans hésiter sur le sentier de la guerre ; surprenons notre ennemi par la rapidité de nos manœuvres ; nous sommes assez nombreux pour abattre le fauve et le mettre aux abois. Il y a deux pistes, formons deux troupes : le Cœur-Sombre commandera l’une, la Main-de-Fer l’autre. L’ennemi, attaqué ainsi de deux côtés à la fois, sera pris comme un jaguar dans un piège. Ne demandons pas de secours étrangers ; nous nous connaissons tous, nous savons qu’il ne peut y avoir de traîtres parmi nous. Cela, et notre