Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/284

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bonne chère, pour transformer un homme et lui faire voir tout en rose ; le diable soit des femmes ! elles ne servent qu’à vous abrutir ; rien de tel que la liberté !

Sur ces derniers mots, il revint dans sa chambre à coucher, où il procéda aussitôt à sa toilette.

Par ce mot : toilette, nous n’entendons nullement que le bandit endossa un costume d’homme du monde semblable à celui qu’il portait en ce moment.

Nullement ; c’était, au contraire, l’homme du monde qui allait redevenir bandit, et, au moyen d’un habile maquillage, reprendre la peau d’un rôdeur de barrière, l’habitué du tapis-franc de la Marlouze, enfin le Loupeur, le chef suprême de l’armée roulante.

Ce déguisement lui était indispensable pour les recherches qu’il se proposait de faire dans le faubourg Saint-Antoine.

Il y procéda donc avec le plus grand soin, absolument comme l’aurait fait un acteur en renom se préparant à entrer en scène.

Du reste, dans son cabinet de toilette se trouvaient tous les ingrédients nécessaires pour opérer cette métamorphose.

Ce fut un long, pénible et difficile travail ; il se prolongea pendant plus de trois quarts d’heure ; le Loupeur n’était jamais content ; il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas selon son goût et jurait avec le reste.

Enfin, à force de patience et en corrigeant à droite, à gauche, en haut et en bas, il finit par atteindre la perfection désirée.

En effet, il avait lieu d’être satisfait ; il avait accompli un véritable chef-d’œuvre.

Il ne restait plus absolument rien de M. de Montréal, le Loupeur renaissait tout entier, et dans toute sa hideur typique.

— Voilà qui est fait ! dit-il avec un sourire gouailleur : bien fins seraient ceux qui, sous ce badigeon, reconnaîtraient le beau Lucien de Montréal, l’habitué du foyer de l’Opéra et l’élégant viveur du Café anglais. Voyons,