Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/385

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tience ; est-ce donc trop, lorsqu’après tant de difficultés vaincues nous touchons enfin au but ?

— Je me résigne ; agissez comme vous croirez devoir le faire dans mon intérêt ; je le sais, c’est lui seul qui vous dirige ; je ne vous blesserai plus par mes folles violences !

— Bien, mon ami, dit Julian en lui tendant la main, vous êtes un homme !

— Merci de la leçon, mon ami, dit le jeune comte avec un sourire triste en lui serrant affectueusement la main.

Tout était oublié dans cette chaleureuse étreinte de deux cœurs généreux.

— Si y a du bon sens à jacasser comme ça ! grommelait le bandit en haussant les épaules ; si ça servait à quelque chose, encore !…

— Approche ! lui dit Julian.

— À vos ordres, répondit-il.

— Reste-t-il encore quelque chose d’honnête en toi ? lui demanda Julian en fixant sur lui son regard d’aigle ; réponds franchement, tu t’en trouveras bien.

Le bandit sembla hésiter un instant ; mais prenant tout à coup son parti :

— Eh bien, dit-il, puisque vous y tenez, voilà : je suis ribotteur à mort, couleuvre comme y a pas ; j’peux pas travailler, c’est pus fort que moi, faut que j’noce ! Voleur, oui, faut ben vivre ; mais assassin, jamais ! V’là pourquoi qu’on m’appelle la Venette. Tuer dans une batterie, en défendant ma peau, c’est aut’chose ; j’vois rouge quand j’suis trop éméché, mais j’assassine pas. À jeun, j’suis pas pus méchant qu’un hanneton ; j’fich’rai pas tant seulement une calotte à un cricri ; mais quand j’suis bu, je m’connais pas ; faut que j’pioche et que j’bûche, car j’ai d’l’atout, ajouta-t-il en montrant sa carrure d’athlète, c’qui fait que, dame, quand j’tape, j’fais des malheurs ; v’là ma philiographie, vrai, foi d’homme !

— C’est bien, je te crois ; veux-tu gagner trente mille francs ? lui dit ex abrupto Julian qui ne l’avait pas perdu un instant de vue.

— Hein ! comment qu’vous dites ça, mon général ?…