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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Les soldats s’arrêtèrent avec frayeur devant cet anathème, que leur ignorance et leur stupide superstition leur enlevaient le courage de braver.

Le moine se croisa les bras et interpellant l’officier d’un air de triomphe :

— Malheureux insensé, dit-il, je pourrais te punir de ton audace, mais je te pardonne. Dieu se chargera de ma vengeance ; c’est lui qui te châtiera lorsque ton heure aura sonné. Adieu ! allons, faites-moi place, vous autres.

Les dragons, confondus et craintifs, s’écartèrent lentement et en hésitant devant lui ; le capitaine, forcé d’avouer son impuissance, serrait les poings en jetant autour de lui des regards de colère.

Le moine avait presque traversé les rangs des soldats lorsqu’il se sentit tout à coup retenir par le bras ; il se retourna dans l’intention évidente de réprimander sévèrement l’individu assez audacieux pour oser le toucher, mais l’expression de son visage changea soudain en reconnaissant celui qui l’arrêtait et le regardait d’un air narquois, car il n’était autre que le prisonnier inconnu, cause première de l’insulte qui lui avait été faite.

— Un instant, señor padre, dit le chasseur ; je comprends que ces braves gens qui sont catholiques redoutent votre malédiction, et n’osent porter la main sur vous de peur des flammes éternelles ; mais moi, c’est différent, je suis hérétique, comme vous le savez, je ne risque donc rien en vous débarrassant de votre robe, et si vous me le permettez, je vais vous rendre ce petit service.

— Oh ! fit le moine en grinçant des dents, je te tuerai, John, je te tuerai, misérable !