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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

voûte d’un bleu sombre apparaissait alors plaquée de semis innombrables d’étoiles, au milieu desquelles brillait la Croix-du-Sud : la lune déversait ses rayons blanchâtres qui imprimaient aux objets une apparence fantastique, la nuit avait cette transparence veloutée particulière aux lueurs crépusculaires ; à chaque rafale de la brise, les arbres secouaient les têtes humides et faisaient pleuvoir de courtes ondées qui grésillaient sur les buissons.

La rivière coulait calme, entre ses rives boisées, se déroulant au loin comme un large ruban d’argent et reflétant sur son miroir paisible les rayons tremblotants de la lune arrivée déjà presque aux deux tiers de sa course.

Tel était le silence de ce désert qu’on y entendait la chute d’une feuille desséchée ou le froissement de la branche agitée par le passage d’un reptile.

Les deux chasseurs causaient à voix basse ; mais, chose étrange pour des hommes aussi habitués à la vie des forêts, leur campement de nuit au lieu d’être, selon les règles invariables de la prairie, établi sur le sommet d’un monticule, était placé, au contraire, sur le rebord d’un talus qui descendait en pente douce jusqu’à la rivière et dans la vase duquel était incrustées de nombreuses empreintes plus que suspectes, la plupart appartenant à la famille des grands carnassiers.

Malgré le froid assez vif de la nuit et l’abondante rosée glacée qui les traversait, les chasseurs n’avaient pas allumé de feu ; pourtant ils auraient évidemment éprouvé un grand bien-être à réchauffer leurs membres à la flamme ardente d’un brasier ; le nègre surtout, vêtu plus que légèrement d’un caleçon qui