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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

sont pas encore arrivés au paroxysme de rage qui leur fait oublier toute prudence.

Le nègre qui s’était levé se rassit philosophiquement.

Quelques minutes se passèrent ainsi. Par instants un souffle de vent nocturne, chargé de rumeurs incertaines, passait en tourbillonnant au-dessus des chasseurs et se perdait au loin comme un soupir.

Ils étaient calmes et immobiles, les yeux fixés dans l’espace, l’oreille ouverte aux bruits mytérieux du désert, le doigt sur la détente du rifle, prêts à faire face au premier signal à l’ennemi invisible encore, mais dont ils devinaient instinctivement l’approche et l’attaque imminentes.

Tout à coup le Canadien tressaillit et se pencha vivement vers le sol.

— Oh ! s’écria-t-il en se redressant avec un geste d’anxiété terrible, que se passe-t-il donc dans la forêt ?

Les rugissements du tigre éclatèrent comme un coup de tonnerre.

Un cri horrible y répondit et le galop saccadé d’un cheval se fit entendre, se rapprochant avec une vitesse vertigieuse.

— Alerte ! alerte ! s’écria Tranquille, quelqu’un est en danger de mort, le tigre est sur sa piste.

Les deux chasseurs s’élancèrent intrépidement dans la direction des rugissements.

La forêt semblait tressaillir tout entière, des bruits sans nom sortaient des antres ignorés ressemblant parfois à des rires moqueurs, parfois à des cris d’angoisse.

Les rauques miaulements des jaguars résonnaient