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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

tombaient, entre ses mains étaient scalpés, leur cœur arraché de la poitrine, et afin qu’on reconnût qu’ils avaient succombé sous ses coups, cet homme leur faisait sur l’estomac une large incision en forme de croix. Parfois, traversant le désert dans toute sa longueur, cet ennemi implacable de la race rouge se glissait dans les villages, les incendiait pendant la nuit, lorsque chacun se livrait au sommeil, et alors il faisait un massacre effrayant, tuant tous ceux qu’il trouvait ; femmes, enfants, vieillards, nul n’était excepté.

Ce n’étaient pas seulement les Indiens que ce sombre redresseur de torts poursuivait d’une haine implacable ; les métis et les demi-sangs, les contrebandiers, les pirates, enfin tous ces hardis rôdeurs de frontières habitués à vivre aux dépens de la société avaient un rude compte à régler avec lui ; seulement, ceux-là, il ne les scalpait pas, il se contentait de les attacher solidement à des arbres où il les condamnait à mourir de faim et à devenir la proie des bêtes fauves.

Pendant les premières années, les aventuriers et les Peaux-Rouges, rapprochés par le sentiment d’un danger commun, s’étaient plusieurs fois ligués pour en finir avec ce féroce ennemi, s’emparer de lui et lui infliger la loi du talion ; mais cet homme semblait être protégé par un charme qui le faisait échapper à tous les piéges qui lui étaient tendus, et deviner toutes les embûches qu’on dressait sur ses pas. Il était impossible de l’atteindre : ses mouvements étaient tellement rapides et imprévus, que souvent il apparaissait à des distances considérables de l’endroit où on l’attendait et où, peu aupa-