Page:Aimard - Les Rôdeurs de frontières, 1910.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Peut-être, je ne discute pas là-dessus. Il y a un mois, à Bâton-Rouge, on annonça une grande vente publique d’esclaves des deux sexes appartenant à un riche gentleman qui était mort subitement. Je me rendis donc à Bâton-Rouge. Parmi les esclaves exposés aux regards des amateurs, se trouvait Quoniam ; le drôle est jeune, bien découplé, vigoureux ; il a l’air hardi et intelligent : naturellement il me plut au premier coup d’œil et je désirai l’acheter. Je m’approchai et je le questionnai ; le drôle me répondit textuellement ceci avec une effronterie qui me décontenança tout d’abord :

— Maître, je ne vous conseille pas de m’acheter, j’ai juré d’être libre ou de mourir ; quoi que vous fassiez pour me retenir, je vous avertis que je m’échapperai ! Maintenant, voyez ce que vous avez à faire.

Cette déclaration si nette et si péremptoire me piqua. Nous verrons, lui dis-je, et j’allai trouver l’homme chargé de la vente. Cet individu qui me connaissait chercha à me dissuader d’acheter Quoniam, en me donnant une foule de raisons toutes meilleures les unes que les autres pour ne pas m’obstiner dans ma résolution. Mais mon parti était pris, je tins bon : Quoniam me fut livré au prix de quatre-vingt-dix piastres, bon marché fabuleux pour un nègre de son âge et taillé comme il l’est ; mais personne n’en voulait à aucun prix. Je mis les fers à mon esclave et je l’emmenai, non pas chez moi, mais à la prison, afin d’être plus sûr qu’il ne m’échapperait pas. Le lendemain, quand j’entrai dans la prison, Quoniam était parti ; il m’avait tenu parole.

Au bout de deux jours il était repris : le soir