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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Quoique bien jeune encore, sa vie avait été mêlée de tant de péripéties étranges, il avait été acteur dans des scènes si extraordinaires, que de bonne heure il s’était accoutumé à renfermer ses émotions dans son cœur et à conserver sur son visage, quoi qu’il vît ou qu’il éprouvât, cette impassibilité marmoréenne qui caractérise les Indiens et dont ceux-ci se sont fait une arme redoutable contre leurs ennemis.

En entendant tout à coup résonner à l’improviste à son oreille la voix de Tranquille, le jeune homme avait senti un frisson intérieur agiter son corps, il avait froncé les sourcils, et s’était demandé mentalement comment il se faisait que le chasseur le vînt ainsi relancer dans son campement et quelle raison assez forte le poussait à agir ainsi, d’autant plus que sa liaison avec le Canadien, sujette à des intermittences, se trouvait en ce moment dans des termes sinon complètement hostiles, du moins fort éloignés d’être amicaux.

Cependant le jeune homme, chez lequel le sentiment de l’honneur parlait haut et que la démarche tentée auprès de lui par un homme de la valeur de Tranquille flattait plus qu’il ne lui plaisait de le laisser voir, cacha l’appréhension qui l’agitait et s’avança vivement et le sourire aux lèvres au-devant du chasseur.

Celui-ci n’était pas seul ; le Cœur-Loyal l’accompagnait.

Le maintien du Canadien, sans être gourmé, était cependant réservé, ses manières froides et son visage voilé par un nuage de tristesse.

— Soyez le bienvenu à mon campement, chas-