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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

émouvantes péripéties, des charmes enivrants que l’on n’éprouve que là, et que l’existence mathématiquement étriquée des villes ne peut en aucune façon faire oublier, si on en a une seule fois goûté.

D’après les principes de l’étiquette indienne fort stricte sur les questions de politesse, nulle question ne doit être adressée aux étrangers qui s’assoient au foyer du campement tant qu’il ne leur plaît pas d’entamer l’entretien.

Sous la hutte de l’Indien, un hôte est considéré comme envoyé par le Grand-Esprit ; il est sacré pour celui qu’il visite, tout le temps qu’il lui plaît de demeurer auprès de lui, quand même il serait son ennemi mortel.

Le Jaguar, fort au fait des coutumes des Peaux-Rouges, demeura silencieusement accroupi auprès de ses hôtes fumant et réfléchissant, attendant patiemment qu’il leur plût de prendre la parole.

Enfin, après un laps de temps assez long, Tranquille secoua sur l’ongle de son pouce la cendre de sa pipe, et se tournant vers le jeune homme :

— Vous ne m’attendiez point, n’est-ce pas ? lui dit-il.

— En effet, répondit celui-ci ; cependant croyez bien que, pour être inespérée, votre visite ne m’en est pas moins agréable.

Le chasseur plissa les lèvres d’une façon singulière.

— Qui sait ? murmura-t-il, répondant plutôt à ses pensées qu’aux paroles du Jaguar, peut-être oui, peut-être non ; le cœur de l’homme est un livre mystérieux et indéchiffrable dans lequel seuls les fous croient pouvoir lire.