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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Le digne homme se frotta les yeux à plusieurs reprises, puis lorsque les derniers nuages du sommeil se furent dissipés, et que l’ordre commença à se rétablir dans ses idées :

— Caraï ! capitaine, s’écria-t-il en étouffant un dernier bâillement, quelle mouche vous pique de me réveiller ainsi en sursaut et à une pareille heure encore ? Voyez, c’est à peine si le ciel blanchit ; laissez-moi dormir une heure. Je faisais le plus charmant rêve, je tâcherai de le rattraper, c’est une si bonne chose que le sommeil.

Le capitaine ne put s’empêcher de sourire à cette singulière boutade ; cependant il ne jugea pas devoir faire droit à la réclamation de l’arriero, les circonstances étaient trop graves pour perdre le temps en vaines promesses.

— Alerte ! alerte ! cuerpo de Cristo ! s’écria-t-il ; songez que nous ne sommes pas encore au Rio-Seco, et que si nous voulons traverser ce passage dangereux avant le coucher du soleil il faut nous hâter.

— C’est vrai, répondit l’arriero qui en un instant fut sur pied, frais et dispos comme s’il eût été éveillé depuis une heure ; excusez-moi, capitaine, vive Dios ! j’ai autant que vous intérêt à ne pas faire de mauvaise rencontre ; d’après la loi, ma fortune répond du chargement que je transporte, et si un malheur arrivait je me trouverais réduit à la besace, moi et ma famille.

— C’est juste, je n’avais pas songé à cette clause de votre traité.

— Cela ne m’étonne pas, elle ne vous intéresse guère, quand à moi elle ne me sort pas de la tête,