Page:Aimard - Les Rôdeurs de frontières, 1910.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
LES RODEURS DE FRONTIÈRES

fausse honte de côté, il s’étendit les pieds au feu et s’endormit presque immédiatement.

Tranquille demeura assis sur la pirogue, son rifle entre les jambes afin d’être prêt à la moindre alerte, et il se plongea dans de sérieuses réflexions, tout en surveillant attentivement les environs et ouvrant l’oreille au plus léger bruit.



IV

LA MANADA.


La nuit était splendide, le ciel d’un bleu sombre était plaqué de millions d’étoiles qui déversaient une lumière douce et mystérieuse.

Le silence du désert était traversé par mille souffles mélodieux et animés ; des lueurs filtrant à travers l’ombrage couraient sur l’herbe fine à la manière des deux follets. Sur le rivage opposé de la rivière, de vieux chênes desséchés et moussus se dressaient comme des fantômes et agitaient à la brise leurs longues branches couvertes de lichens et de lianes, mille rumeurs couraient dans l’air, des cris sans nom sortaient des tanières invisibles de la forêt, on entendait les soupirs étouffés du vent dans le feuillage le murmure de l’eau sur les cailloux de la plage, enfin, ce bruit inexplicable et inexpliqué du flot de la vie qui vient de Dieu et que la majestueuse solitude des savanes américaines rend plus imposant.

Le chasseur se laissait malgré lui aller à la toute