Page:Aimard - Les Rôdeurs de frontières, 1910.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
51
LES RODEURS DE FRONTIÈRES

froid, voici notre dernière ressource : dès que la colonne apparaîtra, feu sur les éclaireurs ; si la lueur des flammes effraie les bisons nous sommes sauvés, sinon, nous n’aurons plus qu’à mourir. Mais du moins nous aurons fait tout ce qui nous aura été possible pour sauver notre vie.

Le feu allumé par le chasseur avait pris des proportions gigantesques ; il s’était étendu de proche en proche, enflammant des herbes et les buissons, et bien que trop éloigné de la forêt pour pouvoir l’incendier, il forma bientôt un rideau de flammes de près d’un quart de mille, dont les lueurs rougeâtres teignaient au loin le ciel et imprimaient au paysage un cachet de saisissante et sauvage grandeur.

De l’endroit où les chasseurs s’étaient réfugiés ils dominaient cet océan de flammes qui ne pouvait les atteindre et planaient complétement sur sa fournaise.

Tout à coup un craquement terrible se fit entendre et l’avant-garde de la manada apparut sur la lisière de la forêt.

— Attention ! s’écria le chasseur en épaulant son rifle.

Les bisons surpris à l’improviste par la vue de ce mur de flamme qui s’élevait subitement devant eux, éblouis par la lueur éclatante du feu, en même temps que brûlés par sa chaleur extrême, hésitèrent un instant comme s’ils se fussent consultés, puis soudain ils se ruèrent en avant avec une aveugle fureur en poussant des bramements de colère.

Trois coups de feu éclatèrent.

Les trois bisons les plus avancés tombèrent en se roulant dans les angoisses de l’agonie.