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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

L’Indien sourit avec dédain.

— Les Grands-Couteaux de l’ouest sont des chiens et des lapins poltrons ; les femmes des Pawnées leur donneront des jupons, répondit-il ; le Cerf-Noir ira avec sa tribu s’établir dans les grandes prairies des Comanches qui les recevront comme des frères, et les Faces-Pâles de l’ouest ne sauront où les trouver.

— Ceci est assez bien imaginé, chef, mais depuis que vous avez été chassé de votre village, n’avez-vous pas entretenu des espions auprès des Américains, afin de vous tenir au courant de leurs actions ? Cela était important pour la réussite de vos projets postérieurs.

Le Cerf-Noir sourit, mais sans répondre, d’où le Canadien conclut que le Peau-Rouge avait, avec cette sagacité et cette patience qui caractérisent les hommes de sa race, pris toutes les précautions nécessaires pour assurer la réussite du coup de main qu’il voulait tenter contre le nouveau défrichement.

Tranquille, par l’éducation à demi indienne qu’il avait reçue et par la haine héréditaire qu’en vrai Canadien il portait à la race anglo-saxonne, était on ne peut mieux disposé à aider franchement le chef Pawnée de tirer des Nord-Américains une éclatante vengeance des insultes qu’il en avait reçues, mais avec cette rectitude de jugement qui faisait le fond de son caractère, il ne voulait pas laisser les Indiens se porter sur leurs ennemis à ces atroces cruautés auxquelles ils se laissent trop souvent aller dans le premier enivrement de la victoire ; aussi la détermination qu’il avait prise avait-elle un double but, d’abord celui d’assurer s’il était possible le succès de ses amis, ensuite d’user de toute l’influence