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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Nous dirons ici quelques mots de ce personnage appelé à jouer un rôle assez important dans le cours de ce récit.

Itsichaichè était un homme d’une quarantaine d’années, d’une taille haute et bien découplée ; il avait une figure chafouine éclairée par deux petits yeux vérons ; son nez recourbé en bec d’oiseau, sa bouche large aux lèvres minces et rentrées lui donnaient une expression sournoise et méchante qui, malgré l’obséquiosité cauteleuse et féline de ses manières, et la douceur calculée de sa voix, inspirait à ceux que le hasard mettait en rapport avec lui une répulsion instinctive que rien ne pouvait vaincre.

Contrairement à ce qui arrive d’ordinaire, l’habitude de le voir, au lieu de diminuer et de faire disparaître cette impression fâcheuse, ne faisait au contraire que l’accroître.

Il s’était consciencieusement et honnêtement acquitté de ses devoirs de guide en conduisant sans encombre les Américains à l’endroit qu’ils voulaient atteindre ; mais depuis cette époque, il était demeuré avec eux, et s’était pour ainsi dire impatronisé dans la colonie, où il allait et venait à sa guise, sans que personne s’occupât de ce qu’il faisait.

Parfois, sans rien dire, il disparaissait pendant plusieurs jours puis revenait tout-à-coup, sans qu’il fût possible de tirer de lui aucun renseignement, ni de savoir ce qu’il avait fait et où il était allé pendant son absence.

Cependant il y avait une personne à laquelle le sombre visage de l’Indien avait constamment causé une vague terreur et qui n’avait pu surmonter la répulsion qu’il lui inspirait, sans qu’elle pût expli-